Fleur de la passion, fruit de la passion, grenadille, maracuya,
selon que l'on parle de la fleur ou du fruit de cette plante grimpante,
la passiflore a suscité, c'est le cas de le dire, une véritable passion
chez les jardiniers et les conservateurs d'espèces botaniques.
Pourquoi?
Parce que, d'une part, c'est une fabuleuse plante aux nombreuses
espèces tout aussi spectaculaires les unes que les autres et, d'autre
part, étant pour la plupart originaires de la forêt humide de l'Amérique
du Sud, plusieurs de ces espèces sont menacées de disparition à cause
de la déforestation à grande échelle qu'on y pratique.
Le nom de « passiflore » vient de ce que la fleur est supposée
rappeler la Passion du Christ.
Les filaments au centre sont censés
représenter la couronne d'épines, d'autant plus qu'ils seraient au
nombre de 72, précisément le nombre d'épines, à ce qu'il paraît, qui
ornaient la couronne du Christ.
De son côté, avec ses trois styles, le
pistil représenterait les trois clous utilisés pour sa crucifixion
tandis que les cinq étamines teintées de rouge à la base symboliseraient
les cinq plaies.
Enfin, la feuille à la pointe aiguë représenterait la
lance et sa face inférieure, marquée de taches rondes foncées, les
30 pièces d'argent que le perfide Judas reçut pour avoir trahi son
maître.
On attribue cette légende ainsi que l'origine du nom de la
plante, à Jacomo Bosio, moine scolastique italien qui, en 1609, alors
qu'il piochait dur, mais sans grands résultats, sur son traité consacré à
la croix et au calvaire du Christ, eut la chance inouïe de rencontrer
Emmanuel de Villegas, moine mexicain en voyage à Rome qui avait en sa
possession des illustrations d'une fabuleuse fleur, alors parfaitement
inconnue en Europe.
D'abord sceptique quant à l'existence d'une
telle merveille, Jacomo Bosio dut se rendre à l'évidence, car d'autres
personnes ayant voyagé dans ce qu'on appelait encore à l'époque la
nouvelle Espagne, confirmèrent les dires du moine mexicain.
Absolument
ravi, le moine érudit trouva là l'occasion unique non seulement
d'enjoliver son traité et, par là, de lui donner un petit coup de pouce
publicitaire, mais également d'apporter la preuve absolue de l'existence
du Christ et de sa Passion, car Dieu son Père n'avait-il pas justement
mis volontairement sur le chemin de l'Homo désespérément incredulus cette fabuleuse fleur arborant les symboles du calvaire réunis?
La foi du moine a de quoi édifier parce que, pour nous simples
mortels encore attachés aux plaisirs de ce monde, la fleur de la plante
rappelle tout sauf la Passion du Christ.
Avec ses organes de
reproduction démesurés qu'elle expose sans la moindre pudeur et le
parfum capiteux qu'elle dégage, on tomberait plutôt ici dans le domaine
de la passion humaine.